Poireaux, en vert et contre tout

23h60 : Jour de course

Samedi 14 juillet 2018. Ce jour va faire partie des moments importants de ma vie. C’est le jour de ma première participation aux 23h60.

Dans l’épisode précédent

Suite à une chute avec dégâts pour la moto (mais pas pour le pilote), j’ai filé un coup de main à Brice, Seb et JM pour remettre la moto en état. En tant que pilote je me couche “tôt”, vers 2h. Eux plus tard et ils sont sur le pont à 8h30 le samedi.

 

Finalisation

En plus des mécanos qui doivent finir de réparer la moto (ils ont eu des scrupules à démarrer le moteur à 3h du mat’), il faut chausser la belle de ses gommes toutes neuves, qui nous ont été livrées directement sur le circuit par 25 Power Racing. Ronald arrive aussi avec son sèche combi de compétition. Bref, le box bourdonne comme une ruche, et on sent la pression monter tout doucement. Le passage au banc de puissance a montré que Mul7 manquait un peu d’essence à certains endroits. Alors on joue aux apprentis metteurs au point avec Jéro et Gabi et on essaye de remplir un peu le moteur. Pari gagné car même si la courbe n’est pas parfaite, le deuxième passage au banc montre qu’on a gagné 0,6 poneys rageurs et une réponse plus lisse (sauf à faible ouverture de gaz).

Heureusement, nous finissons suffisamment tôt pour manger tous ensemble et même faire une petite sieste sous un arbre pour certains. On sait que les prochaines 24h vont être longues, très longues.

1, 2, 3 partez

Des panneauteuses au top pendant 24h

C’est Philou qui prendra le départ de la course. Pas parce que c’est le plus rapide, juste parce que c’est son bébé. En fait, c’est même son rêve. Il le porte à bout de bras depuis un sacré paquet de temps et nous estimons que ce départ lui revient de droit. Tour de formation OK, tour de chauffe OK, Philou est prêt. Mais il n’est que 13h54 et la course doit débuter à 14h00. Alors on attend. La tension est à son comble. Puis c’est finalement le départ. Premier virage, nous passons de la 47 à la 49e place. Oui, dernier. Mais on s’en fiche, car d’une part Philou n’est toujours pas le plus rapide de l’équipe et que les autres teams ont sûrement débuté la course avec des pilotes plus rapides, et d’autre part, il reste 23h59mn12s de course.

Les premiers relais se passent bien. Presque trop bien. Jéro succède à Philou, puis vient le tour de Benga qui va me laisser le guidon en me disant que l’arrière commence à glisser sur un virage. Rassurant sur un premier relais. Pas grave, je me lance et tente de rouler proprement, tout en évitant de me faire couper en deux par les autres pilotes plus rapides. Je n’arrive pas à me détendre et m’agrippe au guidon, ce qui a pour effet de faire bouger la poignée du tirage rapide mais aussi, et surtout, d’imprimer du mouvement à la moto. J’ai du mal à m’y faire, en particulier à la fourche trop souple qui implique de lâcher les freins avant de prendre le virage, alors que je suis plutôt de l’école du frein dégressif sur l’angle. Bref, je me bats avec la moto, et sors au bout de 30mn, les bras déjà douloureux. Gil prend la suite, suivi par Fred et on recommence le cycle des pilotes.

 

 

C’est parti ! Philou garde ses distances avec le troupeau. (Crédit photo : Denis Passion Photo)

1, 2, 3 soleil

Il parait qu’au Mans, il pleut tout le temps. Ça s’est encore une fois de plus réalisé. Pendant mon deuxième relais. Sous forme d’énormes gouttes, suivies d’un orage. J’avais pas envie de faire la même qu’à Varennes, puis j’étais déjà tombé une fois. Donc moi qui était lent et tendu, je passe en mode ultra lent. Autour de moi c’est le carnage. L’averse associée à des pneus slicks font que les motos passent plus de temps au sol que sur leurs roues. Mul7 décide donc de faire comme ses copines et de gouter un peu le bitume (oui, je dis que c’est la faute de la moto, c’est mieux pour mon ego). Bref, je m’en colle une. Heureusement pas (trop) de dégâts, mais je rentre au stand. Les mécanos se lancent au boulot et on en profite pour changer les pneus pour des pluies, l’orage ayant décidé de rester un peu.

Dicton du jour : pluie du 14 juillet, pilote tout mouillé

Sauf que c’est le début des emmerdes. Sur les relais suivants, la moto a des coupures. Plusieurs suspects sont envisagés, alors on va faire pas mal d’échanges de pièces. Mon côté mécano ressort donc je mets les mains dans le cambouis. En vrac, on changera la pompe à essence, l’injecteur mais on fera aussi un shunt du neiman (merci Ronald pour l’élec en mode express).  Exit donc la clef de contact, on le mettra (le contact) avec le bouton blanc du commodo 5 boutons*. Pas mal de boulot effectué, mais toujours dans un calme olympien. Ce qui est quand même remarquable car on résout l’équation sommeil + emmerdes qui a été la nôtre. Au final, la moto marche, mais la nuit n’est pas encore tombée que les corps montrent des signes de faiblesse. J’arrive à grappiller 15 minutes de sieste, mais quand Seb vient me réveiller, je suis tout sauf reposé. Le relais de 20H30 sera un des plus durs pour moi, mon corps me disant que j’ai vite intérêt à aller dormir. Mais ça a aussi été un autre moment magique, car j’ai eu le droit au coucher du soleil. La transition entre le jour et la nuit marque la différence entre une endurance classique et une endurance de 24H. On passe aux choses sérieuses.

*Comme dans toute histoire, ce que raconte l’auteur est important. Si un pistolet apparait, soyez sûr qu’un coup de feu sera tiré avant la fin. Heureusement, nous c’est un bouton blanc, donc il n’y aura pas de morts

Dans la nuit noire

Après cela, je file prendre une douche et dormir un peu, faut pas déconner. Je suis HS mais heureux. Je m’endors facilement, bercé par le ronronnement des moteurs. J’ai décidé de rester à côté du box plutôt que dans ma tente car j’ai envie d’être au plus proche de l’action, de vivre cette aventure à fond. Je crois que la moto passe au stand mais je ne saurais pas vous dire pourquoi.

Durant un de ses relais, on voit Gil en rade et qui pousse la moto. Merde, encore un problème. Claire et JM vont l’attendre au bout de la pit lane (nous sommes tout à la fin, ce qui représente dans les 150-200m). Dans le box on se demande si le souci n’est pas lié au fameux bouton blanc. Je vais donc à leur rencontre et tout en poussant je demande à Gil quel est le problème. Banco, c’est bien le bouton blanc qu’il suffit de réenclencher. Gil peut donc repartir. Ouf, pas de boulot de mécano en plus.

Mon relais suivant se passe bien, la nuit apportant un sentiment de calme. C’est étrange comme sensation car l’adrénaline baisse un peu, les pilotes se donnent toujours à fond mais l’ambiance est plus feutrée. Sorti de piste, je vais prendre une douche… et me raser. Une envie de me sentir propre et présentable. Me voilà donc à 1h du mat avec mon blaireau et mon rasoir à me refaire une beauté. Croyez-le ou pas, ça m’a fait du bien.

Autre chose agréable et qui m’a permis de mieux rouler : le massage de 4h du mat. Un stand propose de passer entre des mains expertes (même si pas aussi agréables que celles de Michel). Cela permet de me décontracter les biceps et donc d’être plus fluide sur la moto.

A 5h du matin, les mécanos sont toujours d’attaque

Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit le circuit

Hasard de l’ordre, c’est durant un de mes relais que le soleil se lève. Avoir vu cet astre se coucher puis se lever montre bien que nous avons fait une bonne partie de la course, et surtout que nous avons vaincu la nuit. On est presque au bout, tout en en étant loin. En effet, la course finit à 14H et il est 8h du matin. L’horloge de la piste nous évite de faire un calcul et nous indique qu’il reste encore 6h à tourner en rond.

C’est aussi le moment où les chutes commencent à faire mal. Gil se fait percuter et ramène la moto sans s’en souvenir. Il est conscient, raconte toujours autant de bêtises, mais il n’est pas bien. Direction le centre médical puis l’hôpital pour des examens qui montreront que tout va bien. Fred aussi commence à ressentir des douleurs. Il a lui aussi été percuté et a l’épaule luxée. Le douleur commence à devenir trop forte pour bien piloter. On finira donc la course à 4. Vers midi, je prends mon relais. Le frein de la moto commence à devenir plus faible et je dois freiner à trois doigts si je ne veux pas arriver en butée sur mon gant. Cela fait que j’ai du mal à rentrer en courbe et à relâcher correctement le frein. Sur un gros freinage je n’y arrive pas, et au lieu de remettre un louche d’angle, ce dont nous sommes tous les deux capables, la moto et moi, je fonce droit dans le bac et chute lourdement. J’ai éclaté le sélecteur, et je suis au début du circuit, je décide donc de rentrer en poussant dans l’herbe. J’ai mal, mais ça le fait. J’arrive à bout de souffle, mais les réparations me permettent de le reprendre. Gabi me demande si je veux repartir et je dis oui. J’y vais mollo, mais en fait ma jambe gauche se met à me faire souffrir. J’ai du mal à bouger sur la moto. On me fait signe de sortir et c’est un soulagement. Une fois assis, je ne veux plus me relever. J’ai un hématome qui part de la moitié de la cuisse pour finir à mi-mollet. Direction le centre médical où je retrouve Gil. Heureusement ils ne nous gardent pas longtemps et nous pouvons retourner voir les 3 pilotes restants finir la course. Qui sera finie à deux, Philou n’en pouvant plus. Jéro et Benga alternent les relais, et ça sera ce dernier qui aura l’honneur de passer le damier, portant fièrement les couleurs du team. Les dernières minutes étaient tellement dures. Nous y étions presque, mais il pouvait se passer encore des choses. Heureusement Jéro et Benga ont su gérer la fin de course et nous voyons le damier s’agiter. C’est l’explosion de joie dans le box de la 77. Benga nous gratifie d’un burn pour fêter ces 23h60 passées sur piste.

On a fini ! La fatigue est là, mais les sourires et la bonne humeur sont à la hauteur du chemin parcouru. (Crédit photo : Denis Passion Photo)

 

This is the end

On enchaine sur une séance photo, pour immortaliser cette course. Alors oui, ça a été une galère, oui la moto n’était clairement pas prête, oui, il y a eu trop de chutes (11 en tout), mais je suis quand même heureux. Heureux d’avoir aidé Philou à réaliser son rêve. Heureux d’avoir participé aux 23h60. Heureux d’avoir apporté quelques poireaux dans l’équipe. Heureux d’avoir fait découvrir cette aventure à certains. Heureux d’avoir fait partie des Nandynamites et de leur super équipe pendant 4 jours. Et tout simplement heureux d’avoir fini la course.

 

De gauche à droite : Gabi, le Team Manager, et les pilotes : Benga, Philou, Fred (en haut), Jéronimo, Xavier, Gil (en bas)