Poireaux, en vert et contre tout

60 minutes chrono

Nous avions déjà roulé plus de 20 minutes non stop, mais c’était sur le circuit du Luc, autant dire notre bac à sable. Ces roulages avaient lieu à la fin d’une journée de piste et n’ont jamais duré plus de 45 minutes. 

 Bref, tenir 60 minutes sur le circuit de Bresse après deux jours de roulage assez intenses ce n’était pas gagné d’avance. Et ce n’est pas une chose que beaucoup de motards font, même chez les pistards. On va donc aller dans le casque de Xavier et vivre ces 3600 secondes.

Même si nous avons déjà roulé aujourd’hui, il faut tout recommencer car l’organisation n’est plus Activ’Bike mais le circuit de Bresse. On a même le droit de repasser au sonomètre (à 7 000 tours pour un 1000 !). Puis en route.

On y va tranquille pour les deux premiers tours car les pneus sont neufs et qu’il serait dommage de s’en coller une dès le départ. On veut faire de l’endurance et la première règle en endurance est “On ne tombe pas”, et vu qu’on est bêtes et disciplinés, on applique les règles. On s’en est aussi mise une en plus: au bout de 3 erreurs de pilotage, on sort faire un tour sur la pit lane, histoire de souffler un coup. Puis on y retourne. Mais si on doit sortir trois fois, ça ne sert plus à rien de continuer, on doit arrêter. Mais je n’ai pas envie de m’arrêter, donc je me concentre. Le début de session est compliqué, non pas à cause des pneus, qui tiennent super bien, mais plutôt à cause des autres concurrents pilotes. C’est une session sans groupe de niveau, donc les niveaux vont de l’ultime poireau au pilote ultime. Et la première demi heure est un festival de chutes. En particulier un gars en 1200 GS que je dois éviter car il chute devant moi. Mais je dois rester concentré. En course il y aura des éléments imprévus et ce n’est pas pour autant que je devrai couper une fois le drapeau vert agité. Surtout que mes chronos de début de session ne sont pas aussi bons que je le voudrais. Quelques chronos en 47 mais je perds facilement deux-trois secondes à chaque fois que je dois doubler un lent, ou si je dois ralentir suite à un drapeau jaune.

En plus Seb me talonne, un coup d’œil rapide de temps en temps me permet de savoir qu’il est dans ma roue. Le fourbe profite même d’un drapeau jaune pour me doubler et doubler un gars en Yam R3 (vraiment très très lent lui). C’est une erreur de jugement de sa part, et je n’ai pas envie de le laisser filer sur une faute technique. Alors je me sors les doigts. Dans le chrono ne ment pas, il est dit qu’on a trois tours pour doubler un concurrent avant de se retrouver englué dans son rythme. Sauf que je roule avec Seb depuis très longtemps, et je connais ses défauts. Il m’a doublé au début du tour, je serai devant lui avant la fin de la ligne droite des stands. Je sais aussi que je suis un moins bon freineur que lui, donc je ne fais que lui montrer que je suis là au bout de la ligne droite du fond. Puis je lui colle au train pendant la partie technique. On arrive dans le petit bout de ligne droite juste avant la dernière épingle, et c’est là que je repasse devant. Par contre, je ne dois pas rater mon virage, sinon il n’hésitera pas une seconde à me repasser devant. Coup de bol, il n’a pas anticipé le dépassement de deux débutants et j’en profite pour prendre l’avance suffisante pour ne pas me refaire dépasser tout de suite. C’est libre devant moi et je peux mettre du gaz.

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Je continue à enchainer les tours. Des fourmis apparaissent dans la main droite, mais je dois continuer, et miracle, au bout de quelques minutes, elles disparaissent. Bon à savoir.

Le circuit est moins encombré et les drapeaux jaunes moins présents, plus d’excuses pour se trainer; ça tombe bien, mon rythme s’accélère. Je sens la fatigue mais je reste lucide (enfin, je le pense). Les chronos descendent, à mon 21ème tour, soit au bout d’une quarantaine de minutes, je vois s’afficher un 44. Trois tours plus tard, je renoue avec le 43. Je sais que je peux rouler plus vite mais je ne dois pas faire d’erreur de pilotage. En particulier, je ne dois pas remettre du gaz trop tôt sur l’angle. Si je suis trop lent sur une entrée de virage, ce n’est pas une raison pour accélérer trop tôt. J’arrive à rester concentré et le chrono oscille entre le 43 et le 44. Pourtant je dois faire face à des retardataires. Et je vois sur le tableau de bord que ça fait 60 minutes que je roule. Je pourrais sortir mais je suis encore bien, j’ai des réserves et de l’essence. Et je veux faire un tour clair, voir ce que je peux donner.

Soyons honnête, je commence à avoir mal partout, en particulier au niveau des épaules, des genoux et du pied droit. J’adapte donc mon pilotage, et je bouge mon pied pour ne plus avoir mal.

Je fais encore quelques tours mais aucun clair, des chronos toujours en 43-44. Je me connais, il faut que je me fixe une limite sinon je vais continuer jusqu’à avoir atteint mon objectif, sauf que plus j’enchaine les tours, plus il y a de chance que la fatigue me fasse faire une erreur. Et je ne dois pas tomber. Bon, je fais encore deux tours et je sors. Le premier tour, je me retrouve encore bouchonné à un moment, mais j’attaque mon dernier tour seul. Je suis bien, j’enchaine les virages sans à coups, dans la ligne droite du fond, les vitesses passent sans accroc. J’arrive sur la partie technique et je m’applique à bien rouler, à continuer à déhancher et à porter mon regard loin. Dernière ligne droite, je me planque derrière ma bulle et je monte deux rapports. Je m’applique sur le freinage en bout de ligne droite, je me concentre sur mon souffle et je prends le premier gauche. Je jette un oeil au chrono qui me dire si j’ai été plus rapide et si j’ai atteint le 42. Ce 42 est bien entendu la réponse à la grande question de l’univers et tout le reste. C’est aussi un clin d’œil à Zeo et surtout à Seb vu que c’est son numéro. Et là, je suis déçu. Je n’aurai pas de chrono en 42… car je suis passé directement à 1min41.75 !!!

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Xavier prend le large à toute vitesse

Et là, sachant que j’ai dépassé mon objectif lors du dernier tour, que j’ai roulé 10 minutes de plus que prévu après 2 jours de roulage, la tension retombe d’un coup. Mon corps me crie sa douleur. Je me fais violence pour boucler le tour et sortir du circuit, mais j’ai du mal à déhancher. Je m’applique donc à au moins avoir des trajectoires correctes. Je lève la main et je sors. Je remonte doucement les paddocks, je passe sur le parking et arrive devant Seb et Zeo. Je coupe le contact et je reste sur la moto. Mes mains tremblent, je suis vidé. Seb vient me voir. Il m’annonce qu’il a tenu les 60 minutes lui aussi et qu’il n’a pas du sortir malgré deux erreurs de jugement (dont le dépassement sous drapeau jaune de fourbe).

Bon, il faut encore ranger, mais on est heureux. On a atteint nos objectifs. On a des chronos qui nous permettent de nous qualifier même si on a des top guns en face de nous, et on est capable de tenir 60 minutes non stop, après deux jours de roulage. Nos sourires sont épuisés, mais reflètent bien notre état d’esprit: on n’a jamais été aussi proches de notre objectif.

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On finit cette journée avec la cuvée spéciale Zeo

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