Poireaux, en vert et contre tout

71h60

On pourrait croire que les 23h60 durent une journée. Sauf qu’en fait c’est beaucoup plus long. Compte rendu (en plusieurs parties) de 4 jours hors du temps au sein de la NRT Nandynamites #77.

Dormir, c’est pour les faibles

Quand on habite à l’autre bout du monde, aller au Mans c’est toute une expédition. Nous voulions y arriver jeudi en fin de matinée, nous sommes donc partis … mercredi matin. Afin de faire la route en deux fois et de passer la soirée chez un copain du côté de Montluçon. Soirée géniale, à discuter moto et autres, à parler jusqu’à pas d’heure. Ce qui fait que nous abordions cette course avec une nuit de 5h. Cinq petites heures qui vont devenir la norme pendant quelques jours.

L’arrivée au circuit est juste magique : c’est simple, la route est un bout du grand circuit des 24h du Mans. Alors qu’on était avec notre break Dacia… C’est là que j’ai réalisé que c’était pour de bon, que j’allais rouler pendant 24h et que Seb allait devoir être aux aguets au panneautage pendant ce même laps de temps.

Arrivés au paddock, on retrouve Philou, Gentil Organisateur du team et premier pilote. Accompagné de sa femme Corinne, c’est eux qui ont géré le projet de A à Z, et à 98%. Malheureusement les journées n’ont que 23h60 et il n’est pas possible de tout faire, mais nous y reviendrons. Présentons donc le team. En plus de Philou, je vais partager le guidon de la Yam avec Jéronimo, Benga, Fred et Gil. Ils connaissent soit la machine, soit le circuit, soit les deux. Pas grave, j’aime les défis. Au panneautage, on aura Claire, Laurie, Laura et Chris. Oui, Seb va passer mécano car le mécano en chef prévu ne peut finalement pas venir pour raisons de santé. Seb devra entretenir la moto sous les ordres de Brice, qui nous suit depuis plusieurs courses déjà et dont les compétences et le sang froid ne sont plus à prouver. Ils auront aussi l’aide de JM, frère de Philou passé dire coucou mais qui se retrouvera à bosser pendant 2 jours avec quelque chose comme 8 heures de sommeil (t’as été vraiment au top d’ailleurs), et, à partir de samedi, de Ronald. Le chef d’orchestre de la course sera Gabi.

Et parce que nous sommes des pilotes dans un team qui nous dorlote, on pourra aussi compter sur la team intendance, composée de Jean-Paul, Valérie et de papa et maman ours, à savoir Catherine et Chris. Ils ont réussi le tour de force de nous faire manger de la bonne nourriture équilibrée pendant 3 jours.

Mais revenons au jeudi midi. On commence par installer la base vie et la tente et on fait la liste des choses à faire. Qui est impressionnante.

Corinne, Jéronimo et Seb, en pleine installation – Crédit photo : Denis Passion Photo

Impossible n’est pas Nandynamite

Comme je disais, la liste des choses qu’il reste à faire est copieuse. Philou étant déjà sur la brèche, j’enfile mon costume de planificateur et je liste (t’as vu Chérie, tu m’as donné le goût des listes) ce qu’il y a à faire, par ordre de priorité et par durée. Dans le désordre, il va falloir faire la vidange de la moto, monter des durites avia sur la moto et un système de freinage en plus, faire le câblage pour les phares, peindre et décorer les polys, faire l’inventaire des pneus et les monter et faire toutes les petites choses pour avoir une moto conforme pour une course. On retrousse nos manches et au boulot. Pendant que Jéro s’occupe de l’élec, sacré chantier, Seb part en peinture et nous nous occupons du tirage rapide et des freins avec Brice. Soyons honnête, c’était un peu le bordel et la somme de boulot était trop importante. Même Laurie et Claire, qui s’autodéclarent incompétentes en mécanique, mettent la main à l’étrier de frein : en 3 minutes elles achèvent la purge que nous n’avions pas réussi à finaliser. Un truc est sûr, on n’a pas fini d’en entendre parler de leur coup d’éclat. Un autre truc est sûr : tout le monde peut faire de la mécanique, pour peu qu’il y ait la volonté et les explications qui vont bien (et vous avez assuré les filles !).

Avant la course : chantier en cours… – crédit photo : Denis Passion Photo

J’arrive quand même à prendre un peu de temps pour faire un tour du circuit à pied, mais je ne réalise pas vraiment à quel point il va être complexe à appréhender.

Au final, on arrive à presque finir la moto et se coucher vers 2h bien tassées. Hop, c’est parti pour une deuxième nuit trop courte, mais on rejoint nos tentes en se disant que la moto devrait être prête pour les essais libres le vendredi après-midi.

Thank God, it’s Friday*

*merci mon dieu, c’est vendredi

La grass’ mat est vite avalée vu qu’à 7h je suis réveillé. Au moins, je ne serai pas à la bourre pour le contrôle administratif pour lequel nous avons rendez vous à 9h. Gabi, en bon Team Manager, nous a donné rendez-vous à 8h30, en nous précisant 2128 fois de bien penser à prendre nos licences et notre pièce d’identité, indispensables pour s’inscrire. Sauf que Gil est parfois tête en l’air et qu’arrivé devant le bâtiment se rend compte qu’il n’a pas les papiers. Moins drôle, il ne sait pas ce qu’il en a fait. La tension monte un peu mais Gabi garde son calme. Heureusement, nous pouvons commencer à nous inscrire et à recevoir nos précieux bracelets. Leur couleur indique l’ordre de passage aux qualifs. Coup de bol, en tant que quatrième pilote, je me retrouve avec le bracelet vert. On est poireau ou on ne l’est pas ! J’avoue qu’être le deuxième pilote ne m’aurait pas déplu non plus, son bracelet étant d’un magnifique rose qui aurait rendu #NuclearRed de jalousie l’équipement.fr.

L’avantage d’avoir les mains occupées, c’est que l’on n’a pas le temps de stresser pour la course et que le temps passe vite. Tellement vite qu’on arrive aux essais libres. Les pilotes n’ayant jamais roulé sur le CIK (Circuit International de Kart du Mans) auront la priorité pour rouler plus. Philou est donc le premier à s’élancer… pour un tour et demi. Il perd l’avant. Pas de gros bobos mais un peu de mécanique. On vérifie la pression des pneus pour découvrir 1.5 bars à l’avant à chaud (la pression à froid est de 1.6 bars)… mais attends… c’est quoi ce pneu ? Ce n’est pas celui que j’ai monté pour les essais ! Et m….. Dans le joyeux bordel du vendredi matin, la jante avec le bon pneu n’a pas été montée, et sur la moto se trouve une gomme, certes en bon état, mais que personne n’a pris soin de gonfler correctement. Heureusement que Philou n’a rien et qu’il peut repartir. Géro prend la suite et c’est enfin mon tour.

Ça y est, j’y suis

Première en haut, je m’élance. Dire que je suis en mode découverte serait en dessous de la vérité : entre la moto, les commandes inversées et le circuit, j’ai presque trop d’informations à traiter. Mais je suis sur le CIK. Moi qui pensais ne pas voir les 23h60 cette année, je suis en train de faire des essais libres pour cette fameuse course. Même si les dernières 24h ont été épuisantes, je suis heureux et je ne remercierai jamais assez Philou de m’avoir filé ce guidon.

Une louche de Poirsouille dans les Nandynamites : au pilotage, au panneautage, à la méca… et sur la moto

Pour les commandes inversées, les débuts ne sont pas faciles. Heureusement, j’ai plus tendance à me tromper dans le sens de la descente de rapport qu’à la montée, ce qui évite de faire gueuler moto. Moto qui est plus physique que notre petite CBR mais qui a un vrai freinage. Les 15 minutes qui me sont allouées filent trop vite et je dois passer le guidon.

Un peu plus tard, je le reprends pour faire ma deuxième séance. Qui se passe bien. Les chronos tombent gentiment. Sauf que moi aussi : l’accélérateur se retrouve bloqué en position ouverte. Je trace donc dans le bac, sauf qu’il faut vraiment que j’apprenne à rester sur mes roues sur l’herbe. J’avoue que j’étais moyen heureux, en particulier car c’était moi qui avait monté la poignée. Mais mon ego est sauf, le problème ne venait pas du montage de la poignée mais du passage de câble. Je souffle un coup et me reprends. Je ne suis pas là pour souffrir et je ne vais pas me prendre la tête pour une broutille comme ça. Puis y a les qualifs qui arrivent et même si il y a peu de chances que je sois le pilote le plus rapide, j’ai envie de faire de mon mieux. Alors je souffle un coup, j’en bois un aussi et je me prépare.

Philou s’élance, puis Jéro et Benga qui signe la pôle du team en 1mn11.5. C’est mon tour et je retrouve rapidement mes marques et arrive à descendre en 1mn16, voire 1mn15. Pas mal du tout même si les plus rapides en moins de 15cv feront la course en 1mn04.

Douce nuit

La nuit tombe, les éclairages illuminent le circuit. On va bientôt faire les essais de nuit. Suite à une discussion avec Alexis qui a fait la course l’année dernière, je pars en visière fumée. Sauf qu’en fait lui avait une photochromique. C’est peut être un détail pour vous mais un poil plus de visibilité ne m’aurait pas déplu. Certes, le tracé est très bien éclairé mais il reste quand même quelques zones d’ombre, en particulier sur le fond du circuit. Mais c’est juste une excuse pour justifier le fait que je me sois trainé. Alors que la vérité était que j’étais comme un gosse devant une vitrine de Noël. Je suis sûr que sous l’écran fumé on pouvait voir des étoiles briller dans mes yeux. Cette première fois de nuit est magique… et perturbante. La luminosité est différente et des ombres apparaissent. Savoir qu’un gars arrive car son ombre est la première à vous doubler est un peu flippant.

Je rends la moto et après Gil et Fred, Philou reprend la moto. Sauf qu’à 4 minutes de la fin, un souci de frein l’envoie au tas. Il met du temps à rentrer mais ce n’est heureusement pas lui qui est froissé, mais la moto. Le radiateur que Seb et Brice avaient changé juste avant les essais de nuit est percé, le garde boue explosé. Et la fourche est tordue… Heureusement, on a deux motos donneuses d’organe dans le fond du paddock. Sur les conseils de Philou, on décide de prendre la fourche de l’Exo7, la moto la mieux préparée. Sauf, car il y a un sauf, Philou nous indique que le niveau d’huile dans chaque fourche n’est pas bon. Il est minuit. Pas de soucis. Dormir c’est pour les faibles. Aidé par Jean-Paul, Chef cuistot ascendant mécano, on met la moto sur le flanc, vu que nous n’avons pas de deuxième béquille prenant sous le té de fourche. On démonte le garde-boue, pour libérer les tubes de fourche. De leur côté, Brice aidé par JM et Seb, commencent le démontage de la 77. Puis vient le moment où il faut ouvrir les tubes de fourches.

La fourche du diable

Sur une Honda, bien conçue, belle, puissante, racée (j’en fais trop ?), pour ouvrir le tube de fourche, il suffit de prendre une douille de bonne taille et de dévisser. Chez les fabricants de piano, c’est pas aussi simple. En effet, il faut retirer un cache (facile) puis appuyer sur un bouchon qui, en s’enfonçant, va vous permettre d’accéder à un circlips qu’il va falloir retirer. Je suis sûr que dans les concessions Yamaha il y a un outil fait pour. Sauf qu’à 1h du mat dans un box du CIK du Mans, ce n’est pas le cas. Heureusement JM et Seb découvrent un serre joint qui fera l’affaire. Vu l’heure et le matos mis à dispo, on décide de repasser la fourche en origine, avec une huile de 15W. Huile qui sera un peu trop fluide pour mon pilotage au final. À cette heure tardive, d’autres voisins sont aussi en train de bricoler, mais nous ne trouvons pas de 20W. On passe donc à la mise à niveau. On a mis le temps pour arriver à un niveau parfait, mais qu’on l’a fait. Même si Brice et Seb ont fini par faire du goutte à goutte pour ne pas en mettre trop : la mesure de 152mm est restée gravée dans nos mémoires.

Le box qui ne dort jamais

Le démontage étant la partie facile, on attaque la partie plus technique. On galère raisonnablement sur le premier tube de fourche mais pas moyen de faire ça proprement sur le deuxième. La moindre erreur se traduit par un ressort qui veut se faire la malle, et qui fout de l’huile partout. Il faut alors recommencer. Vu qu’il ne reste plus que ça et qu’il est 2h du mat’, que je n’ai plus les yeux en face des trous, je décide d’aller dormir un peu. C’est pas comme si le départ était lancé dans 12h et que je devrais assurer 8 relais de 30mn en 24h.

Les loulous mécanos finiront une petite heure plus tard. Mais eux devront être sur le pont à 8h30 pour finir de changer le radiateur. Autant vous dire qu’on aborde le jour de la course avec un gros déficit de sommeil.

To be continued…